Débat entre candidats au pied de la médina de Casablanca

Écrit par  Julien PEYRON

 

Vue-ensembleLe sort d’un député de la prochaine législature se jouait mercredi 30 mai à plus de 2000 kilomètres de l’Assemblée nationale, dans la capitale économique du Maroc, Casablanca. Les principaux candidats de la 9e circonscription des Français de l’étranger s’y étaient donné rendez-vous à l’occasion de l’unique débat de leur campagne. Dans le cadre feutré d’un restaurant chic, niché sur les remparts de l’ancienne medina, ils ont fait valoir leurs arguments pendant plus de deux heures, devant une centaine de personnes et une dizaine de journalistes marocains.

N’étaient le chant du muezzin de la mosquée voisine et l’odeur sucrée du thé à la menthe, on se serait cru en France : le candidat du PS a attaqué le représentant de l’UMP, qui le lui a bien rendu, aidé de temps à autres par les "alliés" des socialistes, le Front de Gauche et Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Les représentants du centre sont eux restés plus réservés, au risque de faire somnoler par moment les spectateurs, avachis dans les larges coussins mis à leur disposition par les organisateurs.

 

Une absence remarquée

Sur les 14 prétendants en lice dans la circonscription, huit avaient accepté de débattre. Ou plutôt sept, la candidate de l’UMP, Khadija Doukali, ayant prétexté un voyage en Côte d’Ivoire pour se faire remplacer au pied levé par le délégué national UMP du Maroc, Jean-Luc Martinet. « Par souci d’économie, elle avait acheté son billet très en avance pour ce déplacement à Abidjan » s’est-il excusé, sans parvenir à convaincre une large partie de l’auditoire visiblement acquise à la cause du candidat socialiste Pouria Amirshahi.

Le Maroc passait pourtant pour être l’un des rares bastions de la droite dans cette 9e circonscription de l’étranger. Mais le royaume chérifien penche lui aussi désormais à gauche, M. Martinet reconnaissant même que "jamais l’UMP n’avait été aussi bas dans le pays" [44,87% pour Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle, ndlr], avant d’avancer un début d’explication. "Le positionnement de la campagne voulu à Paris n’a pas été favorable au dialogue avec les Français vivant au sud de la Méditerranée."

 

Aicha-GUENDOUZE-Radicaux-de-GaucheFrançois Hollande "à la mode" à Casablanca

Si Nicolas Sarkozy n’a plus la cote auprès des Français du Maroc, il n’en est pas de même pour son ancien rival, dont la victoire a été saluée par plusieurs candidats lors de leurs prises de parole. "Je vois que François Hollande est à la mode" s’est félicité Pouria Amirshahi, qui n’a eu de cesse au cours de sa campagne de demander aux électeurs "de donner au nouveau président de la République la majorité dont il a besoin pour mettre en oeuvre le changement".

Un appel au vote utile d’autant plus important pour le PS que le reste de la gauche n’est toujours pas en phase avec lui sur de nombreux sujets. En matière d’éducation, le programme du Parti socialiste prévoit de mettre en place un système de bourses pour les enfants des Français de l’étranger, tandis que les candidats d’EELV et du Front de gauche ont répété lors du débat qu’ils ne transigeraient pas sur la gratuité totale des frais de scolarisation, une position également défendue par l’UMP.

Concernant les impôts des Français de l’étranger, Pouria Amirshahi a tenu, une fois de plus, à tordre le cou "aux fausses rumeurs" :  "Il n’y a aura pas de double imposition pour les Français de l’étranger, François Hollande s’y est engagé". Le représentant du Front de gauche, Jean-Malick Lemaire, a lui rappelé une proposition de Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite mettre en place un "système à l’américaine" de double-taxation, pour que tous les Français du monde soit imposés de la même manière.

 

Un candidat footballeur

Ce débat aura aussi été l’occasion pour les Français du Maroc d’interroger directement les candidats à la députation, les organisateurs ayant opté pour un mode participatif. Parmi les doléances exprimées par le public figurent pêle-mêle, le nucléaire, "l’humanisation" du consulat, la prise en charge des personnes handicapées, la francophonie et "le lobby qui contrôle la finance". 

Un membre de l’assistance a lui profité de sa question pour relancer le sujet controversé des "candidats parachutés", obligeant l’ensemble des prétendants à faire valoir, une fois de plus, leur attachement à cette circonscription. À cet exercice, la palme du candidat "le moins parachuté" est revenue à celui d’Europe  Écologie les Verts, Zine-Eddine Mjati, qui s’est remémoré ses jeunes années quand il jouait au foot avec ses amis à l’endroit précis où s'est tenu le débat. 

La question du droit de vote des étrangers a également été abordée par plusieurs électeurs, qui ont appelé de leurs voeux une application rapide de cette promesse de campagne de François Hollande. Si cette mesure est à ce point attendue par les Français du Maroc, c’est que le royaume prévoit, dans sa nouvelle Constitution, la réciprocité dans ce domaine. Autrement dit, les Français établis dans le pays pourront voter aux élections locales marocaines quand les Marocains pourront en faire de même en France. 

 

Une cacophonie pour finir 

La candidate du Modem, Sihame Arbib, aura été la seule à aborder les questions européennes, s’attirant généralement peu de réaction du public ou de ses concurrents. Mais celle-ci réservait son arme secrète pour la fin du débat, en l’occurrence un feuillet prouvant, selon elle, que le PS s’était opposé à l’époque à la création des députés de l’étranger. S’en est suivi une belle cacophonie entre candidats, que seul le représentant de l’UMP est parvenu à couvrir, s’étant subtilement saisi d’un micro qui traînait. "Cela prouve bien le double langage du PS", a-t-il lancé sous les sifflets de l’assistance. 

La soirée étant alors bien avancée et les rangs du public un peu plus clairsemés, les organisateurs ont décidé de mettre un terme aux hostilités. Rendez-vous le 4 juin pour les résultats du premier tour, avant éventuellement un nouveau débat entre les qualifiés pour le second tour... 

 

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